Loading

Réhabilitation du Confort Moderne : l'architecture à la rencontre du projet culturel par Johanna Seban & La FEDELIMA / Photos : Maximilien Marie - Davycroket

Rouvert en décembre 2017 après seize mois de travaux de réhabilitation, le Confort Moderne réunit désormais une salle de concert, un club, des espaces d'exposition, un disquaire, une fanzinothèque, un restaurant, des locaux de répétition, des logements d'artistes, des bureaux... Ses usagers ainsi que l'architecte qui a signé la rénovation du bâtiment racontent comment ils ont, collectivement, nourri et porté ce projet. Une réussite qui permet aujourd'hui à l’équipe du Confort Moderne de faire encore mieux ce qu'elle fait depuis plus de trois décennies : défendre avec exigence les musiques actuelles et l'art contemporain.

Elle répond au nom de Confort Moderne depuis le cœur des années 80, clin d'œil au magasin d’électroménager Confort 2000 qui occupait jadis les lieux. Mais jusqu'en 2016, la célèbre salle poitevine, connue pour défendre aussi bien les musiques actuelles que l'art contemporain, n'avait pas grand-chose de confortable. Difficultés de chauffage - les équipes se souviennent de certains workshops organisés en doudounes -, acoustique laissant à désirer, circulation complexe entre les différents espaces du bâtiment : malgré une programmation artistique pointue et un attachement fort des populations locales, le Confort Moderne avait, de l'avis de tous, grand besoin d'une réhabilitation.

Des photos d'archives du Confort Moderne

Seize mois de travaux ont été nécessaires pour réaliser celle-ci. Ce long chantier a été précédé d’une procédure nommée "dialogue compétitif" pour trouver l’architecte idéal. Pendant neuf mois, le Confort Moderne, géré par l’association L’Oreille est Hardie, a travaillé main dans la main avec trois agences, reprécisant son cahier des charges à chacun des trois rendus intermédiaires imposés par le dispositif. A l'issue de cette période de gestation, c'est Nicole Concordet, déjà auteure d'un beau travail de réhabilitation pour La Machine à Nantes et lauréate en décembre dernier du Prix Femme Architecte 2018, qui a remporté le projet. "Ce dialogue compétitif, explique l'architecte, nous a permis de sortir du modèle classique des concours qui se font sous l'anonymat, et qui du coup ne permettent pas d'être dans un rapport incarné par les équipes. Quand on fait un concours classique, c'est comme si on se mariait avec quelqu'un sans connaître la personne. Même si la mariée est très belle, elle est peut-être insupportable... Là, pendant neuf mois, nous avons pu échanger, communiquer, ajuster. Cela m'a permis de réadapter ma proposition en fonction des remarques."

Pour Yann Chevallier, directeur du Confort Moderne, le dialogue compétitif a permis un formidable gain de temps. "A la fin des neuf mois, nous étions déjà très avancés dans le projet. Cela a rendu possible le fait que Nicole Concordet réalise ce chantier en seize mois, et avec un coût réduit." La rénovation globale du Confort Moderne, prise en charge par la ville, l'État, la région et le département, aura coûté cinq millions d'euros hors taxe. Huit si l'on englobe l'ensemble des charges et le dialogue compétitif. "Mille euros du m², c'est largement en dessous des prix classiques pour les salles de concert", poursuit le directeur.

Le dialogue entre l’architecte et l’équipe du Confort Moderne s'est prolongé bien au-delà de cette première phase, Nicole Concordet ayant eu à cœur de maintenir, pendant toute la durée des travaux, un lien fort avec ses interlocuteurs. L’équipe du Confort Moderne a d'abord eu la possibilité de rester aux premières loges du chantier, s'installant dans une petite maison à l'entrée du site louée par la mairie le temps des travaux. L'architecte, attachée à ce qu'elle se plaît à appeler une architecture HQH (haute qualité humaine), en réponse à la certification HQE (haute qualité environnementale), a par ailleurs fait le choix de construire "une maison de chantier" sur le site, espace éphémère réunissant la maquette du projet et un réfectoire. "La maison de chantier, explique-t-elle, c'est le premier acte de construction collective. Un lieu ouvert à tous, les usagers, les ouvriers, la maîtrise d'ouvrage… Quand on fait un chantier, on chamboule les gens et l'existant. On ne doit pas seulement être un bulldozer. Je pense qu'il faut accompagner tout cela en créant ce que j’appelle « une communauté éphémère ». D'autant que seize mois, c'est une bonne tranche de vie". Pour maintenir ce lien entre l’architecte et les usagers, des visites du site ont été organisées pour le public et un fanzine du chantier a même été créé. S'il ne reste rien de la maison de chantier aujourd'hui, les plus attentifs remarqueront la maquette du projet qu'elle a abritée pendant seize mois, désormais suspendue au plafond de la salle du restaurant.

Croquis de la maison de chantier / La maison de chantier en travaux ©Cendrine Lassalle, Construire

Rendre les espaces plus confortables pour ses usagers, et y permettre de meilleures circulations pour mieux faire comprendre le projet culturel de l’établissement : voilà, résumés, ce qu’étaient les deux gros enjeux de la réhabilitation du Confort Moderne. Réunion de différents espaces acquis au gré des années, le bâtiment rassemblait en effet un grand nombre de salles non reliées entre elles, parfois même difficiles d'accès. "Ne serait-ce que pour venir acheter un billet de concert, c'était compliqué ! se souvient Guillaume Chiron, curateur éducation-recherche. Le public ne savait pas à qui s'adresser, ni à quelle porte il devait toquer."

Coupes longitudinales du Confort Moderne - © Nicole Concordet architecte

Vaste et ouvert, l'espace principal réunit désormais la salle de concert, un club (que l'on peut fermer ou ouvrir sur le bar en fonction de l’événement), un entrepôt, une galerie et un disquaire articulés autour d'un large atrium dont on peut modifier la taille selon que l'on veut privilégier tel ou tel espace mitoyen. Modulable, non figé, le nouveau Confort Moderne peut désormais s’adapter aux différents événements artistiques qu’il propose. Partout, les murs sont restés bruts, sans maquillage (tuyauterie apparente...), égayés çà et là par quelques touches de bois.

Maximilien, 27 ans, photographe, raconte comment cette nouvelle configuration a changé sa façon de fréquenter le lieu. "Cette rénovation me donne envie d'être plus curieux sur tous les services : aller voir du côté du disquaire ou des expositions... Sans parler de la hauteur sous plafond de la salle de concert, tout simplement bluffante."
Pour Ludovic, 23 ans et étudiant en master à Poitiers, "la rénovation a vraiment donné un coup de neuf, à la fois au Confort et à la scène culturelle poitevine."

Avec sa réhabilitation, le Confort Moderne est aussi devenu un espace de jour. Dès midi en semaine, le visiteur peut désormais s’y rendre pour son restaurant ou encore pour sa Fanzinothèque, lieu unique en France qui collecte et archive les fanzines et dont le fond est estimé à plus de 50.000 documents. Présente depuis des années, la Fanzinothèque était jusque-là difficile à trouver et d'une surface trois fois inférieure. "Les choses ont complètement changé pour nous, explique Virginie Lyobard, sa directrice. Avant, nous avions un petit espace au fond derrière les toilettes et dans le noir (rires). Aujourd'hui, la Fanzinothèque devient une vitrine dès l'entrée du site. Certaines personnes venaient surement voir les concerts sans avoir conscience de notre existence, cela a changé."

La fanzinothèque - ©Nicole Condorcet Architecte / ©Cécile Jalliard
Le toit du hall d'entrée / Le Club ©Pierre Antoine
L'espace d’exposition ©Pierre Antoine

Aussi visibles de l’extérieur via les larges ouvertures vitrées, la Fanzinothèque jouxte désormais les bureaux de l'équipe de L’Oreille est Hardie. Ces derniers accueillent également depuis un an l’équipe de Jazz à Poitiers- une réunion logique après une décennie de collaborations entre les deux associations (le Confort Moderne hébergeait notamment le festival annuel Bruisme). Les trois entités – L’Oreille est Hardie, Jazz à Poitiers et Fanzinothèque- se réunissent chaque semaine pour imaginer, collectivement, la programmation du lieu. Le bâtiment qui les héberge, sur un seul et même niveau, est horizontal, pareil à leur coopération. "Notre collaboration ne consiste pas à simplement croiser nos agendas, explique Mathilde Coupeau, directrice de Jazz à Poitiers. C’est un modèle de coopération. Être trois, c’est souvent plus simple qu’être deux, ça apporte une forme de discussion intéressante." Cette coopération prend tout son sens lorsqu’elle donne lieu à des croisements inattendus rendus possibles par une meilleure circulation entre les espaces : venu voir un concert programmé par Jazz à Poitiers, un Poitevin pourra ainsi tomber par hasard sur une exposition programmée au même moment par L’Oreille est Hardie, organisée dans les locaux de la Fanzinothèque…

Bureaux et Fanzinothèque @Pierre Antoine

De l'autre côté du bâtiment, enfin, une seconde cour reçoit les locaux techniques ainsi qu'une douzaine de logements. "Ils peuvent héberger aussi bien un plasticien qui est là une semaine pour monter une expo qu’un groupe qui vient pour une seule date… Ou encore des étudiants de l'école d'art de Caen, avec qui nous avons un partenariat, qui restent ici six mois" résume Yann Chevallier. Un bon résumé de ce qu’a permis la réhabilitation architecturale du Confort Moderne : transformer le lieu en une véritable cité culturelle qui œuvre pour les croisements artistiques, ouverte sur le monde et peuplée tout au long de la journée par des usagers aux profils variés.

www.confort-moderne.fr

Report Abuse

If you feel that this video content violates the Adobe Terms of Use, you may report this content by filling out this quick form.

To report a copyright violation, please follow the DMCA section in the Terms of Use.