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Une étude réalisée par la FEDELIMA
Le qualificatif d’amateur a parfois une connotation négative. Les musiques dites actuelles n’y échappent pas. Ainsi, la pratique de musique en amateur est tantôt considérée comme un loisir, un hobby confiné au cercle des proches, tantôt comme l’étape qui précède la professionnalisation. En tout état de cause, le·la musicien·ne amateur est perçu·e comme n’excellant pas (encore) dans son art, et ne suscitant pas ou peu l’intérêt des publics.
À moins qu’il·elle n’ait la prétention d’en faire un métier, c’est-à-dire de devenir un·e vrai·e musicien.ne, il·elle trouvera difficilement l’appui pour développer son travail, s’informer et se former, enregistrer sa musique, la diffuser et rencontrer des spectateurs. On accompagne plus volontiers les musiciens lorsqu’ils sont jugés prometteurs, et surtout, lorsqu’ils se prêtent au jeu du développement de carrière. Et dans un domaine artistique où le modèle industriel imprègne les façons de penser, l’objectif des accompagnants, parfois auto-désignés développeurs, est régulièrement réduit à l’insertion dans le marché.
Si l’industrie n’a que peu d’intérêt pour la pratique en amateur (en dehors du marché du matériel et des instruments), l’État l’a introduite dans le cahier des charges du label « Scène de musiques actuelles – SMAC ». Mais force est de constater que ce n’est pas toujours le premier endroit où se portent les attentions au moment des discussions avec les partenaires, ou lors de celui de l’évaluation du projet. Et dans l’article 32 de la loi du 7 juillet 2016 relative à la liberté de la création, à l’architecture et au patrimoine (LCAP), l’artiste amateur reste uniquement défini comme un non professionnel.
Pour autant, les droits culturels des personnes, auxquels l’État a réaffirmé son attachement en 2015 dans la loi NOTRe, puis à nouveau dans la loi LCAP, nous invitent à interroger la perception que nous avons de ces pratiques, et donc aussi à questionner les enjeux de leur meilleure prise en compte. Car l’on sait déjà que la réalité des musicien·ne·s est plus complexe que ne le décrit le droit du travail, et pour nombre d’entre eux, le désir de création et d’expression ne se contente pas non plus des cadres du marché. On peut même parier sans prendre trop de risque que le niveau d’excellence, si jamais l’on décidait un jour d’en définir le concept en matière d’art, n’est pas intrinsèquement attaché à un contrat de travail, à la notoriété ou à un score de vente.
La FEDELIMA mène depuis deux ans une étude nationale et tâche de répondre à une question simple : qui sont aujourd’hui les musiciens et musiciennes qui pratiquent en amateur ? Quels sont leurs parcours et leurs aspirations ? Notre sujet ici est celui de l’exercice de la liberté d’expression, de la dimension émancipatrice de la pratique de musique populaire, ainsi que de la relation de ces musicien·ne·s aux autres et à leur environnement. Plus concrètement, il s’agit d’ouvrir des pistes sur la manière et les moyens d’accompagner chaque personne dans une réalisation d’elle-même à travers sa pratique musicale. Les choix qu’elle fera ensuite sont d’un autre ordre.
De nombreuses études statistiques nous l’ont souvent rappelé, la musique est la première pratique artistique des Français et ce n’est pas récent ! Expression personnelle et/ou collective qui permet de se rendre acteur et non pas seulement consommateur de culture, la pratique musicale en amateur fait écho aux droits fondamentaux de l’homme : toute personne a le droit de participer à la vie culturelle.
Et ce sont bien les personnes qui pratiquent en amateur qui sont au cœur de cette étude. Mais qui sont-elles ? Cette question qui sous-tend le premier volet de cette publication tient à la volonté d’actualiser la perception de ces musiciens et musiciennes et de mieux connaître leurs parcours et leurs pratiques. Quels instruments, quels styles de musique pratiquent-ils ? À quelle fréquence ? Pourquoi ? Dans quels lieux ? Autant de questions qui ont été posées en entretiens collectifs à plus d’une centaine de personnes, en complément d’une enquête en ligne à laquelle 1 300 musiciennes et musiciens ont répondu. Ce travail de recherche a permis d’affiner les représentations des pratiques collectives et volontaires en amateurs et de rendre visibles les artistes qui s’y adonnent.
Dans sa seconde partie, cet ouvrage donne la parole à différents réseaux, partenaires, fédérations, lieux et équipes qui accompagnent au quotidien ces pratiques des musiques populaires. Quels sont les liens, les enjeux, les principes d’actions qui relient ces structures aux musiciens et musiciennes qui font le choix de s’investir dans une pratique musicale, le plus souvent collective, en amateur ? Quels rôles jouent les lieux dédiés aux musiques actuelles et populaires dans l’accompagnement des personnes vers des pratiques artistiques émancipées et auto-organisées ?
Enfin, cette étude tend à élargir nos perspectives d’appréhension de ces pratiques collectives au regard de l’exercice des droits culturels. En effet, c’est l’affirmation de l’existence des musiciens et musiciennes amateurs ou de leur expression personnelle dans un espace de socialisation, d’échanges ou de négociation entre personnes qui se joue également ici. Autrement dit, ces pratiques musicales en groupes sont autant d’expériences d’apprentissage de la vie en société que de moyens d’exprimer ce qu’on veut dire au monde.
Cette publication est le fruit d’un partenariat entre les Editions Mélanie Seteun et la FEDELIMA. Elle vient intégrer la collection « Musique et Environnement Professionnel » en complément des enquêtes « L’emploi permanent dans les lieux de musiques actuelles » (parue en 2018), « La coopération entre projets de musiques actuelles » (parue en 2016), « Actions culturelles et musiques actuelles » (parue en 2015) et « La diffusion dans les lieux de musiques actuelles » (parue 2014). Cette nouvelle collection se veut largement ouverte aux études émanant des acteurs artistiques et culturels et de leurs représentants : fédérations, syndicats, réseaux territoriaux et autres groupements d’acteurs… Dotée d’un comité scientifique associant pour chaque publication un universitaire aux côtés des professionnels mobilisés, la collection « Musique et Environnement Professionnel » entend ainsi jeter un pont entre le monde culturel et universitaire. Par sa présence sur le portail scientifique revues.org, cette collection offre la perspective d’un lectorat élargi au-delà des seuls professionnels de la culture et un référencement efficace sur un portail académique important en Europe. La collection « Musique et Environnement Professionnel » entend devenir un espace intellectuel où se rencontrent les professionnels de la culture et les chercheurs en sciences humaines et sociales, en France et au niveau européen.